Date de sortie : 22.10.2025
Distribution : Universal


Réalisation : Jan Kounen :
Scénaristes : Christophe Deslandes, Jan Kounen, Richard Matheson
Avec : Jean Dujardin, Marie-Josée Croze, Daphné Richard
Musique originale : Alexandre Desplat
Direction de la photographie : Christophe Nuyens

Que reste-t-il d'un homme lorsque sa taille diminue centimètre par centimètre ? Cette interrogation vertigineuse se retrouve dans le nouveau film de Jan Kounen, adaptation singulière du roman de Richard Matheson paru en 1956 et réinterprétation du film de Jack Arnold (1957). Très loin du simple exercice de style visuel, le réalisateur transforme ce récit de science-fiction en méditation intime sur l'effacement progressif de l'être. Jan Kounen ose le pari du fantastique contemplatif, qui marie angoisse primitive et une réflexion presque mystique.

L'histoire, tout est dans le titre : Paul, un fabricant de bateaux, après un événement inexpliqué, commence à rétrécir... 

Le réalisateur et son équipe ont privilégié une approche audacieuse pour les trucages et effets spéciaux. Les décors hors normes : fauteuils monumentaux, étagères devenues falaises, ont été physiquement érigés pour confronter Jean Dujardin à une matérialité écrasante. Tout ce que l'acteur touche a été construit à l'échelle 1. Cette réalité démesurée insuffle une authenticité rare aux séquences où le quotidien bascule dans le cauchemar.

Le dispositif technique déployé pour les prises de vue impressionne également : une machinerie de caméra colossale orchestre des chorégraphies mécaniques d'une précision chirurgicale, capturant des profondeurs de champ troublantes qui jouent constamment sur notre perception des distances. Les techniques de motion capture ont obligé à utiliser un bras d'1,5 tonne dans le sous-sol, pour obtenir des plans parfaits. Chaque séquence devient une architecture visuelle où les proportions se dérobent, créant un malaise délicieux. Les couleurs oscillent entre des tonalités chaleureuses lors des moments familiaux et des teintes glacées pour souligner la métamorphose du foyer en territoire hostile. Cette palette changeante accompagne subtilement la désintégration psychologique de Paul (Jean Dujardin).

La partition sonore, signée d'Alexandre Desplat, mérite une attention particulière. Entre silences oppressants et envolées orchestrales retenues, l'univers musical sculpte une atmosphère à la fois fragile et monumentale. Les bruitages amplifiés, comme les craquements du parquet, les gouttes d'eau, une allumette qui s'allume, transforment l'acoustique familière en menace sensorielle permanente. Cette dimension sonore fonctionne comme un personnage invisible, tantôt refuge contemplatif, tantôt présage anxiogène.

Au cœur de ce dispositif ambitieux, la performance de Jean Dujardin s'impose. L'acteur compose un portrait bouleversant de vulnérabilité masculine avec une très grande force de caractère, loin de ses registres habituels. Paul traverse une gamme impressionnante d'états intérieurs : incompréhension, terreur animale, résignation, combativité, sans jamais verser dans la démonstration. Les longues séquences où il évolue seul face à des environnements démesurés exigent une présence physique totale : chaque geste, chaque regard a du sens et porte un message.

La justesse de son interprétation repose sur une économie de moyens remarquable. Confronté à des décors surdimensionnés et des dangers qui le dépassent, Jean Dujardin ancre son personnage dans une humanité constante, transformant ce qui pourrait n'être qu'un exercice technique en trajectoire universelle. Les moments d'interaction avec sa famille, avec Marie-Josée Croze pour le rôle de son épouse Elise et Daphné Richard, qui interprète sa fille Mia, révèlent une profondeur inattendue, tissant un fil rouge, un encrage affectif fort.

Le scénario épouse une progression linéaire mais symboliquement dense. Chaque étape de la diminution physique correspond à une révélation intérieure, dessinant une parabole sur l'acceptation. La dimension familiale confère au récit une gravité particulière : ce n'est pas seulement un corps qui se réduit, mais un statut social, une identité paternelle, une présence au monde qui s'évaporent progressivement.

Jan Kounen parvient à maintenir un équilibre délicat entre différents registres narratifs. L'horreur surgit par touches. Avec cette araignée devenue titanesque (bon courage pour les arachnophobes), la cave transformée en jungle sauvage. C'est l'occasion de nous interroger sur nos peurs existentielles.

La mise en scène prend le temps d'installer ses atmosphères par des plans contemplatifs qui vous laissent l'espace nécessaire pour ressentir physiquement le vertige de cette odyssée miniature. Cette patience formelle, rare dans le cinéma de genre contemporain, constitue une part de la grande audace du film. Et c'est aussi sa force, grâce à ce tempo plus lent qu'à l'habitude, tout se met en place au bon moment et évite le catalogue d'événements de situation, pour mieux nous faire vivre chaque étape de la diminution de Paul et sa découverte de nouveaux obstacles à surmonter chaque jour.

L'Homme qui rétrécit est comme une proposition singulière dans le paysage cinématographique actuel. Son ambition technique au service d'une introspection poétique offre une expérience marquante, portée par une interprétation exceptionnelle de Jean Dujardin.

Un film qui rapetisse son héros pour magnifier sa condition humaine.



Xavier

Plus d'information avec les questions/réponses de Jan Kounen lors de l'édition 2025 du Festival Mauvais Tours : lien ici