20 mars 2024  en salle  
durée 1h 30min 
genre : comédie, épouvante-horreur, vampire
De Ariane LOUIS-SEIZE
Par Ariane LOUIS-SEIZE et Christine DOYON
Avec Sara MONTPETIT, Félix-Antoine BENARD, Steve LAPLANTE
 
 
 

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant – Une relecture moderne du mythe vampirique

 

Le titre Vampire humaniste cherche suicidaire consentant peut prêter à sourire de prime abord. Pourtant, derrière cette étiquette provocatrice se cache un film québécois riche en nuances, qui offre une vision contemporaine et rafraîchissante du mythe vampirique. Ce long-métrage, réalisé par Ariane Louis-Seize, fait une entrée remarquée dans l’univers des films de genre, tout en abordant des thèmes plus personnels avec une intelligence et une sensibilité rare.

Ariane Louis-Seize, réalisatrice talentueuse en pleine ascension, est déjà connue pour ses courts-métrages à succès (Les petites vagues, La peau sauvage) où elle dévoile une capacité à créer des atmosphères uniques, empreintes d’une esthétique poétique et mélancolique. Pour son premier long-métrage, elle s’attaque à une figure mythique du cinéma fantastique : le vampire. Mais loin de réitérer les clichés associés à ce personnage immortel, Ariane Louis-Seize offre ici une version modernisée, où les tourments intérieurs de la créature sont davantage mis en lumière que ses pulsions meurtrières.

L’histoire suit Sasha, une (jeune) vampire profondément humaniste, interprétée avec brio par la comédienne Sara Montpetit. Incapable de se résoudre à tuer pour se nourrir, Sasha se lance dans une quête déchirante pour trouver une solution à son dilemme existentiel. C’est ainsi qu’elle rencontre Paul, incarné par Félix-Antoine Bénard, un jeune homme désillusionné et suicidaire. Une relation inattendue se tisse entre eux, où l’on retrouve des questionnements sur le sens de la vie, le consentement et la recherche de rédemption.

 

Un renouveau dans le mythe vampirique : 

Là où Vampire humaniste cherche suicidaire consentant brille, c’est dans sa manière de revisiter la problématique de la chasse du vampire. Si l’on pense immédiatement aux grandes œuvres littéraires comme celles d'Anne Rice, qui ont exploré l’angoisse existentielle des vampires, le film d’Ariane Louis-Seize parvient à retravailler cette thématique sans sombrer dans la redite. Sasha n’est pas un simple prédateur en quête de sang ; elle est une âme torturée, en quête d’un équilibre entre ses désirs vitaux et ses convictions morales.

Le film met ainsi en scène une réflexion profonde sur le consentement. Contrairement à l’image classique du vampire qui se nourrit sans scrupules, Sasha refuse de se nourrir sans l’accord explicite de ses victimes. Cette problématique, rarement explorée de manière aussi frontale dans le cinéma vampirique, apporte un éclairage nouveau et résonne particulièrement dans une époque où les débats autour du consentement et de l’éthique sont plus que jamais d’actualité.

Ariane Louis-Seize évite avec habileté les pièges du pathos, en intégrant à cette réflexion une bonne dose d’humour noir et de situations cocasses. Sasha, malgré son immortalité, se retrouve confrontée à des situations humaines très contemporaines, où la solitude et la quête de sens se heurtent à l’absurdité de la vie moderne. Le film, sans jamais se prendre trop au sérieux, parvient ainsi à faire réfléchir tout en divertissant.

 

Des thématiques personnelles intelligemment explorées :

Outre le mythe du vampire, le film aborde des thèmes plus personnels avec une grande finesse. Sasha et Paul sont deux êtres profondément décalés, l’une à cause de son immortalité, l’autre à cause de son désespoir. Leur rencontre est le point de départ d’une réflexion sur la solitude, le mal-être et la difficulté de trouver sa place dans le monde. Paul, en particulier, apporte une dimension émotive forte au récit. Son désir de mourir, bien que dépeint avec humour, est traité avec une grande empathie, soulignant les raisons complexes qui mènent quelqu’un à un tel point de rupture.

L’alchimie entre les deux acteurs principaux est indéniable. Sara Montpetit, déjà remarquée pour ses rôles dans des productions québécoises, incarne une vampire à la fois vulnérable et déterminée. Tandis que Félix-Antoine Bénard réussit à donner une profondeur inattendue à son personnage, mêlant fragilité et cynisme. Leurs interactions, souvent teintées d’une certaine absurdité, sont ponctuées de moments d’émotion sincère, ce qui permet au film de naviguer entre plusieurs registres sans jamais perdre de vue son propos principal.

 

Une réalisation soignée et immersive :

D’un point de vue visuel, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est un véritable régal. Ariane Louis-Seize, qui a toujours eu un sens aigu de l’esthétique, offre des plans magnifiquement composés, jouant sur les contrastes entre la froideur de l’immortalité de Sasha et la chaleur des relations humaines. L’usage des couleurs et des lumières confère une ambiance à la fois poétique et étrange, renforçant l’impression d’un monde à la frontière du réel et du fantastique. La course-poursuite entre les conteneurs, le cercle de parole, les rencontres au sein de la famille de vampire de Sasha sont autant d’occasions pour Ariane Louis-Seize de s’amuser avec la caméra et de démontrer sa grande maitrise de la mise en scène.

La bande sonore, quant à elle, accompagne subtilement les péripéties des personnages. Elle ajoute une dimension immersive sans jamais s’imposer, laissant toujours la place aux silences et aux dialogues pour créer une tension ou une émotion. Les choix musicaux sont résolument modernes, participant à l’ancrage contemporain de ce film fantastique.

 

Un film à découvrir sans tarder :

Avec Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, Ariane Louis-Seize réussit un coup de maître. Elle revisite le mythe du vampire à travers une approche à la fois humoristique et introspective. La réalisatrice/scénariste offre un film singulier, qui saura séduire aussi bien les amateurs du genre fantastique que ceux en quête d’un cinéma plus intimiste. Loin des clichés habituels, cette œuvre propose une réflexion originale sur des sujets universels, tout en renouvelant les codes du film vampirique.

C’est un film à voir dès que possible, ne serait-ce que pour le plaisir de découvrir une réalisatrice prometteuse et un duo d’acteurs talentueux qui redonnent vie à ce mythe intemporel. Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est une œuvre moderne, pertinente, et définitivement inoubliable.

 
Xavier