Date de sortie : 21.10.2024
Réalisation : Adilkhan Yerzhanov
Scénario : Adilkhan Yerzhanov
Casting principal : Berik AytzhanovAnna Starchenko
Film proposé en clôture du festival Mauvais Tours 2024 : https://mauvaistours.com/
Pour notre compte rendu du festival Mauvais Tours : lien prochainement
https://www.imdb.com/title/tt30490625/
Steppenwolf d'Adilkhan Yerzhanov est une œuvre marquante du cinéma contemporain, une plongée implacable dans la violence brute et sans concession. Ce film, qui a fait sa première mondiale au Festival international du film de Rotterdam 2024, raconte l’histoire d’un homme sans émotion, Brayuk, un bourreau travaillant pour la police locale, accompagné d’une femme traumatisée, Tamara qui est à la recherche de son fils kidnappé.
Dès les premières scènes, Steppenwolf instaure une atmosphère oppressante où règne un chaos incessant, marqué par des explosions de violence sanglante qui se répètent avec une régularité implacable. Les boucliers de police qui sont lavés du sang frais qui en dégouline vous plonge sans attendre au cœur de l’horreur qui vous attend pendant toute la durée du film.
Brayuk (Berik Aytzhanov) est un personnage qui tue sans remords, sans morale. Ses actions sont aussi automatiques que sa respiration. Il torture, il frappe, il tire, il tue, sans jamais fléchir ni montrer la moindre émotion. Pourtant, il existe une mince lueur d’humanité en lui : malgré les nombreuses scènes où il violente Tamara (Anna Starchenko) physiquement en lui donnant des gifles, il semble lui épargner une réelle brutalité, comme s'il conservait une once de considération à son égard. Tamara, quant à elle, reste pratiquement figée dans son état traumatique, spectatrice de cette spirale de violence. Elle n’évolue guère tout au long du film, restant victime d’un monde sans scrupules où tout le monde ment, trahit et tue sans la moindre hésitation.
L'absence totale de moralité chez tous les personnages, que ce soit la police, comme les bandes rivales qui se partagent ce territoire à la nature désolée, accentue l’aspect dérangeant du film. Chaque rencontre dans ce monde dévasté est une nouvelle occasion de sang versé, les cadavres s’empilent au fur et à mesure que le duo progresse. Le film, qui emprunte à la fois au western, au road-movie et au drame de vengeance, se construit presque comme un jeu vidéo, où chaque obstacle humain est éliminé sans qu’aucun véritable lien émotionnel ne soit établi avec les victimes ou les survivants. Cette répétition macabre crée un effet hypnotique, renforcé par le paysage désertique et dévasté où se déroule l'action. Adilkhan Yerzhanov, fidèle à son style, parsème son film d’un humour noir qui atténue à peine la brutalité de certaines scènes.
Steppenwolf est aussi brutal qu’esthétique à sa façon, c’est-à-dire sale et sordide. Comme si la ruine psychologique des personnages se retrouvait dans la nature ou les bâtiments qui les entourent et réciproquement. Les décors désolés, évoquant parfois des films comme Mad Max, sont mis en scène avec une certaine recherche esthétique. Ce qui s’accorde avec l'hyper-violence des actes qui s’y déroulent. Chaque bâtiment semble en ruine, chaque véhicule est criblé de balles ou en flammes, symbolisant un monde en pleine désintégration.
La direction artistique renforce ce sentiment de nihilisme absolu où rien ne peut être sauvé. Le film ne cherche pas à offrir de catharsis, et même sur les dernières images du film, vous savez qu’aucun changement fondamental ne se produira face à cette situation globale désespérée.
Le film se distingue aussi par son absence de structure narrative traditionnelle. Adilkhan Yerzhanov choisit de déconstruire les genres qu'il exploite, notamment le western classique auquel il emprunte des éléments visuels et sait créer une œuvre contemporaine, qui interroge l'inhumanité à travers une absurdité quasi surréaliste.
Steppenwolf est un film dérangeant, sans compromis, qui ne laisse aucune place à l’espoir. Cette œuvre, qui ne cesse de surprendre par son audace (pour ne pas dire son agressivité) visuelle et son absence totale de morale, illustre une vision sombre et désabusée de son réalisateur sur la société actuelle.
Un film qui ne laissera personne indifférent, mais qui, par sa violence continue et son absence d’empathie, bouscule les sensibilités des spectateurs, même les plus aguerris.