Date de sortie au cinéma : 23.07.2025

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=226116.html 
https://www.imdb.com/fr/title/tt10676052 

 

Réalisation :  Matt Shakman
Scénario : Josh Friedman, Eric Pearson, Jeff Kaplan

 

 

Sous l'éclairage tamisé d'un New York aux accents sixties, Matt Shakman orchestre une renaissance inattendue. Son adaptation des Quatre Fantastiques brise les codes établis du genre « super-héros » pour proposer une œuvre singulière, où l'intimité familiale côtoie l'immensité cosmique. Loin des sempiternelles narrations d'origine, ce film assume pleinement son héritage comics tout en forgeant une identité cinématographique distinctive.

Une esthétique au service de l'émotion : 

L'univers visuel déployé va au-delà la simple adaptation pour créer un langage artistique propre. Les teintes cuivrées et les chromes polis des décors domestiques contrastent avec l'immensité stellaire, créant une géographie émotionnelle où chaque environnement reflète l'état d'esprit des protagonistes. Cette direction artistique, nourrie par l'iconographie de l'âge d'or du comic book, évite l'écueil de la nostalgie facile pour construire un futur alternatif crédible.

La photographie sculpte la lumière comme un personnage à part entière, alternant entre la chaleur des foyers et la froideur de l'espace. Les effets visuels, remarquablement intégrés, donnent corps aux pouvoirs extraordinaires sans jamais sacrifier la vraisemblance des émotions. Galactus émerge ainsi comme une présence terrifiante mais tragique, échappant aux caricatures habituelles du genre.

L'alchimie d'un casting inspiré :

Pedro Pascal insuffle à Reed Richards une humanité complexe, loin du scientifique désincarné des précédentes adaptations. Sa vulnérabilité face à la paternité imminente ancre le personnage dans une réalité tangible. Vanessa Kirby campe une Sue Storm d'une force tranquille, avec un juste équilibre entre intelligence tactique et profondeur émotionnelle.

L'ensemble du quatuor fonctionne comme une cellule familiale authentique, où les non-dits pèsent autant que les répliques. Ebon Moss-Bachrach apporte à Ben Grimm une mélancolie rocailleuse touchante, tandis que Joseph Quinn dynamise Johnny Storm sans tomber dans l'excès caricatural. Cette alchimie collective constitue l'épine dorsale narrative du film.

Une mise en scène au service du récit :

Matt Shakman déploie un style visuel fluide qui épouse les transformations physiques de ses héros. Ses mouvements de caméra serpentent à travers l'action avec une élégance qui rappelle les meilleurs moments du cinéma spectaculaire des années soixante. Le montage privilégie la respiration narrative, alternant séquences d'action chorégraphiées et moments contemplatifs nécessaires à l'approfondissement des relations.

Cette approche théâtrale, héritée du parcours du réalisateur, enrichit considérablement la dimension humaine de l'œuvre. Les silences parlent autant que les dialogues, créant une densité émotionnelle rare dans le genre.

Le dialogue des éléments : feu et argent

L'une des réussites les plus subtiles du film réside dans la construction progressive du lien entre Johnny Storm et le Surfer d'Argent. Matt Shakman évite l'écueil de la confrontation manichéenne pour privilégier une approche empathique, où la Torche Humaine perçoit intuitivement la souffrance qui habite le héraut cosmique. Leurs échanges, d'abord marqués par la méfiance mutuelle, évoluent vers une compréhension tacite qui transcende les barrières linguistiques et dimensionnelles.

Cette relation particulière fonctionne comme une métaphore de la réconciliation possible entre forces apparemment antagonistes. Johnny, porté par son impulsivité généreuse, refuse de voir dans le Surfer un simple exécutant du mal cosmique de Galactus. Ses tentatives de communication, tantôt maladroites tantôt touchantes, révèlent une maturité émotionnelle inattendue chez ce personnage traditionnellement cantonné au rôle du faire-valoir comique. Le film trouve dans cette dynamique inédite l'un de ses moments les plus poignants, transformant un affrontement prévisible en dialogue existentiel sur la liberté et l'asservissement.

Résonances contemporaines d'un mythe intemporel :

Au-delà du spectacle, cette nouvelle mouture interroge des thématiques universelles : l'équilibre entre ambitions personnelles et responsabilités collectives, la gestion des différences au sein d'un groupe, la transmission intergénérationnelle. Ces questions résonnent particulièrement dans notre époque de remise en cause des modèles établis.

Le film excelle particulièrement dans sa dissection des rapports entre célébrité et opinion publique. Matt Shakman orchestre avec finesse les retournements d'humeur collectifs : vénérés comme des sauveurs lors de leurs premiers exploits, les Quatre Fantastiques subissent l'hostilité populaire quand leurs actions engendrent des dommages collatéraux. Cette volatilité de l'admiration publique, amplifiée par les médias de l'époque, préfigure nos propres dérives numériques avec une prescience troublante.

La gestion de cette versatilité sociale constitue l'un des ressorts dramatiques les plus aboutis du récit. Les héros doivent composer avec une population qui oscille entre dévotion aveugle et rejet viscéral, miroir déformant de nos propres contradictions face aux figures publiques. Cette analyse sociologique confère au film une profondeur politique inattendue, où chaque manifestation de soutien ou de colère populaire révèle les mécanismes de manipulation collective qui régissent nos sociétés connectées.

Le film dialogue subtilement avec l'héritage des pionniers du genre tout en affirmant sa modernité. Cette synthèse réussie entre passé et présent confère à l'œuvre une profondeur qui dépasse largement le cadre du divertissement populaire.

 

Les 4 Fantastiques : Premiers pas est une belle réussite, réconciliant exigence artistique et accessibilité grand public. Si quelques facilités narratives parsèment le troisième acte, l'ensemble témoigne d'une maîtrise créative exemplaire. Cette renaissance des Quatre Fantastiques prouve qu'il reste encore des territoires inexplorés dans l'univers des super-héros, pour peu qu'on accepte de prendre des risques artistiques audacieux.

Un film qui redonne ses lettres de noblesse à l'adaptation du comics, porté par une vision créative assumée et des interprètes qui incarnent avec justesse leur personnage.

 

Xavier