Date de sortie au cinéma : 11.12.2024
Warner Bros
réalisateur : Kenji Kamiyama
durée : 2h14
En résumé : Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim, une préquelle animée qui trébuche sur une animation 3D inégale et un scénario prévisible. Seule la musique envoûtante de Stephen Gallagher parvient à capturer la grandeur de l'univers de Tolkien.
Retour en Terre du Milieu, 200 ans avant les événements de la trilogie de Peter Jackson (adaptation du roman Le Seigneur des Anneaux de J R R Tolkien). Le royaume du Rohan fait face à l'une des plus grandes menaces de son histoire dans cette préquelle animée réalisée par Kenji Kamiyama. Sorti en décembre 2024, Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim nous plonge dans l'histoire tumultueuse de Helm Poing-de-Marteau et de sa fille Héra, confrontés au jeu Wulf, un ennemi animé par la vengeance.
L'ambition de Kamiyama était claire : marier l'esthétique japonaise avec l'univers médiéval-fantastique créé par Tolkien et sublimé visuellement par Peter Jackson. Le résultat s'avère malheureusement inégal. Si certains paysages montagneux impressionnent par leur détail et leur majesté, rappelant les vastes étendues néo-zélandaises des films originaux, l'animation 3D souffre de nombreuses faiblesses techniques. Les mouvements saccadés, particulièrement visibles lors des scènes d'action, et les superpositions de plans maladroites nuisent considérablement à l'ambiance.
Les changements incessants de caméra, probablement pensés pour dynamiser le récit, finissent par désorienter. La représentation des chevaux, pourtant emblématique du royaume de Rohan, déçoit par sa rigidité et son manque de naturel. Cette direction artistique hybride, qui tente de fusionner codes de l'anime et esthétique occidentale, ne parvient jamais à trouver son équilibre, oscillant constamment entre hommage respectueux et dissonance visuelle.
Là où la trilogie originale nous émerveillait par sa diversité de créatures et ses touches de magie, La Guerre des Rohirrim se concentre presque exclusivement sur les hommes, délaissant une part importante de ce qui fait la richesse de la Terre du Milieu. Cette absence de fantastique, hormis quelques références éparpillées, contribue à la sensation d'un univers visuellement appauvri.
Un récit de vengeance sans surprise : adapté des appendices de l'œuvre de Tolkien, le scénario se présente comme une histoire classique articulée autour des thèmes de la vengeance, de l'orgueil et de l'obstination. Malgré l'attrait de découvrir un chapitre original de l'histoire du Rohan, la narration s'enlise rapidement dans un schéma prévisible et linéaire.
Les dialogues peinent à insuffler vie et profondeur aux personnages. Les références à la trilogie de Jackson, notamment à travers la présence de Saroumane (avec Christopher Lee qui est crédité au générique, bien que l’acteur soit décédé en 2015) ou certaines allusions aux événements futurs (la recherche des anneaux par les orques), apparaissent davantage comme des clins d'œil superficiels que comme des enrichissements narratifs véritables.
La figure de Miranda Otto, reprenant son rôle d'Éowyn en narratrice, n’apporte rien. Sa voix apporte une touche de nostalgie qui rappelle la grandeur des adaptations de Jackson, mais souligne paradoxalement les limites de cette nouvelle production.
Héra et Wulf : une confrontation aux enjeux inaboutis.
Au cœur du film se trouve la relation conflictuelle entre Héra, fille du roi Helm, et Wulf, chef des Dunlendings déterminé à venger son père. Cette dynamique antagoniste, qui aurait pu constituer la colonne vertébrale émotionnelle du récit, souffre d'un développement insuffisant et stéréotypé.
Héra, interprétée par Gaia Wise, est construite comme une héroïne forte, mais qui ne dépasse jamais sa condition. Son évolution psychologique reste superficielle, malgré quelques moments où sa détermination et son conflit intérieur pointent vers un potentiel inexploité.
Wulf, interprété par Luke Pasqualino, incarne l'archétype du vengeur obstiné sans réelle profondeur. Sa haine envers Helm, bien que justifiée par les événements passés, ne se traduit jamais par une complexité morale qui aurait pu élever le personnage au-delà du simple méchant de l’histoire. Leurs confrontations, qui auraient dû constituer des moments forts du film, manquent de tension véritable et de nuances psychologiques. Wulf se contente d’envoyer ses hommes se faire tuer au lieu lors de chaque confrontation. Le faisant passer pour un jeune fou obstiné, sans envergure.
La progression de leur relation, de l'hostilité initiale jusqu'à leur affrontement final, suit une trajectoire prévisible où les occasions de surprendre sont systématiquement ignorées au profit d'une narration conventionnelle. Même lorsque Héra tente de raisonner Wulf, leurs échanges restent prisonniers de dialogues convenus qui n'explorent jamais les complexités morales et émotionnelles de leur situation.
Cette relation manquée symbolise l'ensemble des opportunités narratives inexploitées du film : là où Tolkien excellait à créer des antagonismes nuancés reflétant des visions du monde opposées, mais compréhensibles, La Guerre des Rohirrim se contente d'une opposition binaire sans réelle profondeur philosophique ou émotionnelle.
Une réalisation qui peine à trouver son rythme : Kenji Kamiyama, dont le talent s'est exprimé dans des œuvres comme Ghost in the Shell: Stand Alone Complex, semble ici dépassé par l'ampleur de la tâche. Sa réalisation, qui privilégie les plans complexes et les séquences d'action dynamiques, souffre d'un manque de maîtrise dans leur exécution. Les choix de mise en scène, notamment l'importation de codes visuels propres à l'animation japonaise, entrent souvent en collision avec l'esthétique occidentale associée à l'univers de Tolkien.
Le montage, particulièrement problématique, alterne entre longueurs narratives et transitions abruptes. Le film paraît paradoxalement trop long pour son intrigue relativement simple. Les scènes de bataille, bien que spectaculaires par moments, manquent de variété stratégique et de cohérence logique, s'appuyant trop fréquemment sur des conventions visuelles qui nuisent à leur crédibilité.
Une bande sonore qui sauve (presque) la séance : dans ce tableau globalement décevant, la musique composée par Stephen Gallagher se distingue comme l'élément le plus réussi du film. S'inspirant intelligemment des thèmes iconiques de Howard Shore tout en proposant sa propre interprétation de l'univers sonore du Rohan, la partition parvient à insuffler une grandeur épique que l'animation et le scénario peinent à atteindre. Les cuivres majestueux et les chœurs évocateurs constituent une véritable bouffée d'air frais, rappelant momentanément la majesté de la trilogie originale.
Cette qualité musicale, associée à la supervision sonore méticuleuse de Brent Burge, crée paradoxalement un décalage supplémentaire en soulignant les insuffisances des autres aspects de la production.
Un héritage de Tolkien dilué : Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim illustre les défis inhérents à l'expansion d'un univers aussi riche et apprécié que celui de Tolkien. En tentant une approche stylistique différente tout en restant fidèle aux différents romans, le film se retrouve dans un entre-deux inconfortable : trop conventionnel pour les amateurs d'animation japonaise, trop éloigné visuellement pour les puristes de l'esthétique de Peter Jackson.
La tentative de modernisation de l'univers à travers le personnage d'Héra, potentiellement intéressante, souffre d'un traitement superficiel qui la réduit à un symbole féministe sans véritable substance. Cette approche, bien qu'animée de bonnes intentions, illustre une incompréhension fondamentale de ce qui rendait les personnages féminins de Tolkien, comme Éowyn, si mémorables : leur complexité psychologique et leur évolution naturelle au sein d'un monde cohérent.
Une chevauchée sans magie : Si Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim parvient occasionnellement à rappeler la grandeur des plaines du Rohan et l'héroïsme de ses habitants, il échoue à capturer l'essence qui a fait le succès des adaptations précédentes (nous ne parlons ici que du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, certainement pas de sa trilogie décevante sur le Hobbit).
Entre l'obstination tragique de Helm, l'idéalisme maladroit d'Héra et la rage aveugle de Wulf, cette guerre des Rohirrim nous rappelle que les conflits humains, même dans un cadre aussi riche que la Terre du Milieu, nécessitent une finesse narrative que ce film, malgré ses ambitions, ne parvient jamais à atteindre.
Xavier