Date de sortie : 09.10.2019
Réalisation : Todd Phillips
Scénario : Todd Phillips, Scott Silver, Bob Kane
Casting principal : Joaquin Phoenix, Robert De Niro, Zazie Beetz
Joker, réalisé par Todd Phillips en 2019, a été un véritable choc. Le réalisateur, connu jusqu’alors pour ses comédies comme Very Bad Trip, prend ici un virage audacieux, livrant une œuvre sombre et psychologiquement intense. Le film explore l’origine d’Arthur Fleck, un homme brisé qui bascule dans la violence et devient le Joker, l’ennemi juré de Batman. Ce traitement humain et réaliste du personnage a surpris autant qu’il a séduit, marquant une rupture avec les films de super-héros traditionnels.
Le scénario, coécrit par Todd Phillips et Scott Silver, est ancré dans les années 1980, une époque marquée par des inégalités criantes et une société en déclin. Gotham City, métropole crasseuse et violente, devient un personnage à part entière. Inspirée de New York de cette période, la ville est montrée comme un lieu oppressant où les inégalités sociales explosent. Cette représentation réaliste renforce l’immersion et donne au récit une dimension sociale percutante.
Les décors, conçus avec soin, vous plongent dans un univers urbain sombre et chaotique. Chaque détail, des affiches délavées sur les murs aux taxis jaunes cabossés, rappelle une Amérique en crise. Les costumes, signés par Mark Bridges, participent également à cette immersion. Le célèbre costume bordeaux et jaune du Joker, désormais iconique, reflète la transformation d’Arthur Fleck en une figure de chaos. Ce choix chromatique, audacieux et symbolique, s’inscrit dans la continuité des grands films influencés par les années 70 et 80, comme ceux de Martin Scorsese.
La photographie, signée Lawrence Sher, est un autre atout majeur du film. Inspiré par les œuvres de Martin Scorsese, notamment Taxi Driver, Lawrence Sher privilégie des teintes froides et des contrastes marqués pour accentuer l’atmosphère oppressante. Certaines scènes, comme celles où Arthur danse seul après avoir commis des actes violents, utilisent la lumière et l’espace pour traduire l’état mental du personnage.
La musique, composée par Hildur Guðnadóttir, est l’un des aspects les plus marquants du film. Ses sonorités graves et lentes accompagnent la descente aux enfers d’Arthur Fleck, accentuant le poids émotionnel de chaque scène. Hildur Guðnadóttir, première femme à recevoir un Oscar pour la meilleure musique originale depuis 1997, a expliqué avoir composé les morceaux en se basant sur le scénario avant même le tournage, une méthode peu courante, mais qui s’avère ici très efficace. La partition est minimaliste. Elle laisse la place à la tension et à l’angoisse. À cela s’ajoute une sélection de morceaux préexistants, comme That’s Life de Frank Sinatra, qui développe un contraste ironique et dérangeant.
Joaquin Phoenix incarne Arthur Fleck avec une intensité rare. Il a perdu près de 23 kilos pour le rôle, transformant son corps pour refléter l’état fragile et maladif de son personnage. Son jeu, basé sur une immersion complète, est à la fois terrifiant et profondément humain. Il donne à Arthur Fleck une vulnérabilité qui le rend presque attachant, avant de basculer dans une violence incontrôlée. L’une des scènes les plus marquantes est celle de la danse dans les escaliers, un moment de libération pour le personnage et un symbole de son acceptation du chaos. La scène de rire incontrôlé dans le bus est également mémorable, avec cette maladie pour Arthur Fleck et l’incompréhension, voire le malaise qu’elle génère sur les autres passagers. Un moment qui illustre le choc de deux mondes. Cette performance a valu à Joaquin Phoenix l’Oscar du meilleur acteur, une récompense amplement méritée pour un rôle qui marque l’histoire du cinéma.
L’ambiance générale du film est lourde, quasiment suffocante. Joker aborde des thèmes universels comme l’isolement social, la maladie mentale et l’absence de compassion dans une société en crise. Cette approche humanise le personnage du Joker tout en le rendant terrifiant, un équilibre que peu de films réussissent à atteindre. La violence, omniprésente, cependant jamais gratuite, suscite un malaise qui pousse à la réflexion. En ce sens, Joker est autant une étude de personnage qu’une critique sociale.
Loin de se limiter à un public de fans de comics, Joker s’adresse à tout le monde. Le film touchera autant les amateurs de drames psychologiques que ceux qui apprécient le cinéma d’auteur.
Avec Joker, Todd Phillips livre une œuvre unique, transcendée par la performance magistrale de Joaquin Phoenix. Ce film est une relecture audacieuse et inoubliable d’un personnage emblématique, qui dépasse le cadre des adaptations de comics pour devenir une pièce maîtresse du cinéma contemporain.
Xavier