Date de sortie : 15.03.2017
https://www.imdb.com/title/tt4954522/
https://www.focusfeatures.com/raw
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=244414.html
interdit aux moins de 16 ans
Réalisation : Julia Ducournau
Scénario : Julia Ducournau
Musique : Jim Williams
Photographie : Ruben Impens
Société de distribution : Wild Bunch
Durée : 98 minutes
GRAVE : Une première œuvre percutante qui marque les esprits
Julia Ducournau frappe avec son premier long-métrage "Grave", une œuvre. Récompensé du Prix FIPRESCI à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2016 et du Prix Louis-Delluc du Premier Film, ce voyage troublant dans l'univers d'une école vétérinaire nous confronte à nos tabous les plus profonds.
L'histoire suit Justine (Garance Marillier), brillante étudiante végétarienne qui intègre la même école vétérinaire que sa sœur aînée Alexia (Ella Rumpf). Dès les premières scènes, Julia Ducournau installe une atmosphère suffocante où les traditions de bizutage vont progressivement faire voler en éclats les certitudes de Justine. La réalisatrice assume ses partis pris avec des plans étirés qui, s'ils peuvent parfois sembler appuyés, nous confrontent sans détour à l'insoutenable.
Ce qui se remarque, c'est la mise en scène, malgré quelques aspérités propres à un premier film. Les séquences de fête estudiantine, filmées dans une moiteur quasi palpable, traduisent avec justesse la descente progressive dans les excès. Sous l'influence de l'alcool et de la pression sociale, les comportements se dérèglent, les inhibitions tombent, et quelque chose de plus primitif émerge.
La relation entre les deux sœurs constitue la véritable force du récit. Alexia, déjà rompue aux codes de l'école, guide sa cadette dans un apprentissage qui dépasse largement le cadre académique. Leur complicité malsaine atteint son paroxysme lors d'une scène centrale particulièrement dérangeante, où l'aînée initie sa sœur à des pratiques qui défient toute morale conventionnelle. C'est à ce moment précis que le spectateur comprend pleinement la nature des "appétits" qui habitent ces deux jeunes femmes.
Le film maintient une ambiguïté permanente sur l'origine de ces pulsions dévorantes. Est-ce le résultat d'un bizutage qui aurait mal tourné ? L'expression d'une nature profonde qui ne demandait qu'à s'éveiller ? Ou le fruit d'une éducation dont nous ne percevons que la surface ? Julia Ducournau manie cette ambivalence avec habileté, distillant ses indices au fil du récit.
La performance de Garance Marillier (Justine) est à souligner. Son évolution de jeune étudiante innocente en créature gouvernée par ses pulsions est d'une crédibilité glaçante. Face à elle, Ella Rumpf (Alexia) compose une grande sœur inquiétante, dont le sourire carnassier cache des désirs inavouables. Leur duo porte le film vers des sommets de malaise psychologique.
Sur le plan technique, la réalisation impressionne. La photographie de Ruben Impens joue sur des contrastes saisissants entre la froideur clinique de l'école et la chaleur organique des scènes les plus troublantes (dissections et autres…). La bande sonore, bien dosée, maintient une tension constante qui sert efficacement le propos.
"Grave" dépasse les frontières du simple film d'horreur pour livrer une réflexion sur notre rapport à la normalité et à la famille. À travers le prisme du genre, Julia Ducournau propose une œuvre qui questionne la transmission et l'acceptation de soi.
Les amateurs de genre trouveront leur compte dans ce film qui ne recule devant rien. Au-delà du spectacle viscéral, c'est la dimension psychologique qui fait de "Grave" une œuvre marquante. La façon dont le film dépeint la découverte progressive par Justine de sa véritable nature, sous l'influence de sa sœur, révèle une vraie maîtrise narrative.
Un premier film qui annonce l'émergence d'une voix singulière dans le cinéma français. "Grave" s'impose comme une œuvre forte qui marquera durablement les esprits.