Date de sortie : 07.11.2025
Netflix

Une créature bancale née d’un cinéma sans conviction

 

Il y avait de quoi espérer. Guillermo del Toro, cinéaste dont l’imaginaire a souvent flirté avec la monstruosité poétique, s’attaquait au roman fondateur de Mary Shelley Frankenstein ou le Prométhée Moderne. Netflix vendait l’entreprise comme un retour à l’essence du mythe, drapé d’une esthétique gothique renouvelée. À l’arrivée, le film ressemble à une promesse dissoute dans le brouillard numérique : un objet lourd, prétentieux, où l’ambition déclarée s’écrase sur une exécution molle et étonnamment impersonnelle. Nous attendions beaucoup de ce Frankenstein. Après l’avoir visionné, nous avons la sensation d’avoir contemplé un pantin désarticulé.

La première déception, la plus brutale, vient du visuel. L’univers esthétique, qui devrait être le terrain d’expression privilégié de Guillermo del Toro, sonne creux. Tout paraît artificiel, glacé, sans consistance. Les décors numériques donnent l’impression d’une reconstitution approximative, où chaque façade semble flotter dans un vide sans texture. Le film prétend revisiter le XIXᵉ siècle, mais il en reproduit seulement les contours les plus convenus, figés dans un numérique trop lisse pour inspirer quoi que ce soit.

Les effets spéciaux achèvent d’enfoncer ce clou tordu. Là où l’incarnation du monstrueux devrait provoquer fascination ou malaise, vous ne ressentez qu’un décalage constant entre l’intention et le rendu. Rien n’a de poids. Rien ne parait respirer. La mise en scène, déjà en manque d’élan, se retrouve prisonnière d’images qui n’évoquent jamais la chair ni la peur.

Le scénario, lui, multiplie les faux pas. L’intrigue s’alourdit de détours inutiles, de relations forcées, de sous-intrigues sentimentales qui n’apportent rien et trahissent l’esprit du roman. L’idée d’introduire une tension amoureuse entre Elizabeth et la créature dépasse la simple erreur de jugement : elle désamorce toute dimension tragique et réduit les personnages à des silhouettes incohérentes. D’autant qu’imaginer une relation entre une femme et une compilation de cadavres a quelque chose de dérangeant, mais tout se passe comme si de rien n'était. Même chose pour le refus de relation charnelle entre Elizabeth et Victor Frankenstein, n’apporte rien à l’histoire et éloigne même encore plus de l’esprit du roman de Mary Shelley. Et la recherche d’immortalité de Harlander, malade de la syphilis, est une explication inutile et maladroite pour son aide apportée à Victor Frankenstein.

Pris dans ce labyrinthe d’intentions floues, les acteurs semblent livrés à eux-mêmes. Oscar Isaac se contente d’effleurer la folie visionnaire de Victor Frankenstein sans jamais la faire exister, mis à part lors de sa démonstration à l’université. Mia Goth apparaît écrasée par des scènes dépourvues de direction pour faire transparaitre ses émotions. Quant à Jacob Elordi, son interprétation de la créature manque d’impact, incapable de transmettre la détresse ou la rage intérieure que le personnage exige. Chaque performance paraît affaiblie par un récit qui n’offre aucune prise.

Le rythme souffre d’un montage sans nerf, incapable d’installer une tension durable ou une respiration dramatique. Des scènes s’éternisent sans raison ; d’autres s’interrompent avant d’avoir trouvé leur utilité. La bande sonore, discrète au point d’en devenir fantomatique, n’ajoute ni atmosphère ni émotion, alors que c’est Alexandre Desplat qui en est le compositeur et dont nous apprécions habituellement le travail souvent époustouflant.

L’ensemble donne l’impression d’un film qui cherche sa forme en permanence sans la trouver.

Une relecture inutile d’un monument littéraire

Ce Frankenstein est incapable de revendiquer une identité visuelle, narrative ou thématique. Le film ne respecte ni la puissance du roman ni les attentes de ceux qui suivent comme nous Guillermo Del Toro depuis des années. Une œuvre affaiblie, désincarnée, dont la créature la plus terrifiante est sa propre vacuité. Nous avons assisté à un film vide, insignifiant dans son contenu.

Autant dire qu’il vaut mieux l’éviter.

 

Nous rejoignons l’analyse de France Culture sur le film :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-regard-culturel/le-regard-culturel-chronique-du-mardi-11-novembre-2025-5613123

 Xavier