Metal
Diabolus in musica 
du 5 avril au 29 septembre 2024 

Commissaires
Milan Garcin, Corentin Charbonnier
Conseillers scientifiques
Jean-Pierre Sabouret, Christian Lamet

 

 

La Philharmonie de Paris, institution culturelle renommée pour la diversité et la qualité de ses expositions, frappe un grand coup avec "METAL : Diabolus In Musica". Dédiée à l'univers souvent mal compris du métal, cette exposition s'adresse aussi bien aux fervents amateurs du genre qu'aux néophytes curieux de découvrir ce monde musical intense et envoûtant. À travers une muséographie rigoureuse, une scénographie immersive et une collection d'objets emblématiques, "METAL : Diabolus In Musica" parvient à capturer l'essence de cette musique aux multiples facettes, tout en offrant une expérience sensorielle unique.

Une muséographie soignée et riche : dès votre arrivée, vous êtes plongé au cœur de l’action. Avec ce grand écran qui prend tout le mur, vous êtes à la place du batteur (par exemple du groupe Flogging Molly), vous voyez la foule du Hellfest, les musiciens arrivent, la musique se lance : vous y êtes ! Pour avoir assisté à l’un des concerts projetés, c’est impressionnant de se retrouver « sur scène » pour une fois.
Dès les premières salles, vous est plongé dans l'histoire du métal, un genre musical qui, depuis ses débuts dans les années 1970, n'a cessé d'évoluer et de se diversifier, encore de nos jours.

 

Tomber sur la guitare « Monkey » Gibson SG de Tony Iommi (Black Sabbath, 1964), quelle émotion ! S'ensuivent le montage de l’artwork pour l’affiche de la tournée Technical Ecstasy 1976-1977 par George Hardie, le disque d’or de l’album Paranoid (1970). Et la mise en miroir de l’éternelle idole d’Auguste Rodin avec l’album The Eternal Idol sorti en 1987. Ainsi que quelques lettres d’Aleister Crowley adressées à Auguste Rodin, etc. 

 

La muséographie est à la fois didactique et fluide. Ce qui permet une exploration progressive des différents courants qui composent ce vaste univers sonore. L’ensemble de la galaxie des genres et des sous-genres est présenté avec toutes ses ramifications en fin d’exposition. Des origines du heavy metal, avec des groupes légendaires tels que Black Sabbath, Deep Purple ou Led Zeppelin, aux sous-genres plus extrêmes comme le death metal, le black metal ou le grindcore, l'exposition retrace avec précision l'évolution du métal, en soulignant les caractéristiques propres à chaque style. Vous aimez Amon Amarth, Slayer, Pantera, Gojira, Beyond The Styx, Aro Ora, Anthrax, Korn, Aerosmith, Behemoth, Gwar, Rob Zombie, Motörhead, Korn, Metallica, etc. Vous allez en prendre plein les yeux.

La présentation des objets, tous sélectionnés avec soin, témoigne de l'attention portée à chaque détail. Les guitares électriques customisées, les vêtements de scène emblématiques, les pochettes d'albums mythiques, et même des magazines et autres affiches de concerts, sont autant de témoins matériels de cette culture musicale. Chaque objet est accompagné de textes explicatifs qui contextualisent leur importance, tant pour l’histoire du métal que pour la culture populaire en général.

 

Les références artistiques, reprises par les groupes de métal et inversement sont clairement expliqués, notamment entre John M Armleder, artiste suisse proche du mouvement Fluxus, avec la guitare de Zakk Wylde (2004) ou le portrait de Nergal (par la photographe Ester Segarra en 2018) qui pose comme sur le tableau de Hans Ruedi Giger, Satan I de 1977. 

 

 

 

 

L'interaction entre ces objets et les archives audiovisuelles renforce l'authenticité de l'exposition. Vous pouvez ainsi mieux comprendre la signification et l’impact de chaque élément.

 

 

Les artwork d’Eliran Kantor pour l’album King de Fleshgod Apocalypse (2016) ou III Decades Live Ceremony de Loudblast (2018) ou encore Archangel de Soulfly (2015) sont superbes à voir.

La guillotine d’Alice Cooper est très impressionnante et vous rappellera peut-être comme à nous des souvenirs de concerts.

 

 

Une expérience immersive unique : l’un des points forts de cette exposition réside sans aucun doute dans son caractère immersif. Vous êtes en permanence avec de la musique dans les oreilles. Pour aller encore plus loin, la Philharmonie de Paris, consciente que le métal ne se vit pas seulement par l’écoute, mais aussi par l’expérience physique, a su intégrer des dispositifs qui vous plongent littéralement au cœur des concerts du Hellfest. Parmi ces dispositifs, la vidéo à 360 degrés est sans conteste l'attraction principale.

Installée dans une salle circulaire, cette vidéo vous donne l’impression d’être au centre d’une fosse lors d’un concert. Vous vous retrouvez en plein milieu d’un "wall of death", l’un des moments les plus intenses et emblématiques des concerts de métal. Cet effet immersif, amplifié par une bande sonore en son puissant, recrée l’ambiance unique de ces rassemblements dans lesquels le public, dans une explosion d’énergie collective, se sépare en deux avant de se ruer l’un contre l’autre. La sensation d’être en plein cœur d’un "pogo" ou d’un "circle pit", ces autres danses frénétiques typiques des concerts de métal, est incroyablement réaliste. Vous serez transporté dans une autre dimension, celle de l'adrénaline brute.

Tous les styles de métal sont représentés : "METAL : Diabolus In Musica" plonge dans la diversité de ce genre musical et explorent avec vous, ses multiples ramifications. Le heavy metal, le thrash, le doom, le death, le black metal, le power metal, et même les sous-genres plus récents trouvent tous leur place dans cette exposition. Chacun de ces styles est présenté avec une égale attention, mettant en avant les spécificités musicales et esthétiques qui les distinguent : vêtements, modèles de guitare, chacun à ses classiques.

 

Cette véritable chapelle installée au cœur de l’exposition, avec la musique des différents styles qui est diffusée de façon aléatoire avec des pièces de collection, est à couper de souffle. La guitre ESP d’Alexi Laiho de Children of Bodom, la partition de Christos Antoniou (Sceptic Flesh) pour Vampire from Nazareth (2011) et Coming Storm (2022), les guitares de Robb Flynn, Dimebag Darrell, Scott Ian, Kerry King, Kirk Hammett, Nergal ; les basses de Cliff Burton, de Gene Simmons (Kiss) ou de Cronos (Venom). La moto de Nikki Sixx de Motley Crue. Le pied de micro de Steven Tyler (Aerosmith), des pochettes d’album, des photos, des costumes, etc.

Des installations sonores permettent d’écouter des extraits des titres phares de chaque genre, tandis que des analyses détaillées expliquent les particularités techniques et les thèmes récurrents dans les paroles des chansons. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ces musiques, ces dispositifs offrent une introduction précieuse, tandis que les connaisseurs apprécieront la profondeur et la précision des informations fournies.

Une exposition vaste et complète : ce qui rend cette exposition particulièrement remarquable, c’est son ampleur. La Philharmonie de Paris a conçu un parcours vaste et cohérent qui couvre tous les aspects du métal. En plus des sections consacrées aux différents genres musicaux, l’exposition aborde aussi les influences artistiques et culturelles qui ont façonné le métal, de l'iconographie à la mythologie nordique, en passant par les œuvres littéraires d’horreur et de fantastique, le cinéma, les œuvres classiques, etc.
Des espaces sont également dédiés aux sous-cultures qui gravitent autour du métal. Vous pourrez rêver devant la reproduction d’une pièce qui concentre tous les éléments possibles en lien avec le métal pour décorer votre intérieur, jusqu’au mini-frigo en forme d’ampli Marshall.  

 

 

Les coutumes vestimentaires avec ces nombreux t-shirts que se procurent les fans comme signe d’appartenance et de soutien aux groupes. Ces aspects participent à la compréhension globale du métal non seulement comme un genre musical, mais comme une véritable culture, avec ses codes, ses rituels et ses valeurs. Un véritable mode de vie en somme. 

 

 

 

Un parcours adapté aux connaisseurs et aux néophytes.

L'une des grandes réussites de "METAL : Diabolus In Musica" réside dans sa capacité à s’adresser à un public très large. Pour les néophytes, l’exposition propose un parcours pédagogique, où chaque étape est accompagnée d’explications claires et accessibles.

 

Vous avez des explications en langue des signes sur les écrans et aussi du braille ou des reproductions tactiles des masques de musiciens présentés dans la grande salle.

Les connaisseurs, quant à eux, trouveront de quoi nourrir leur passion. Les nombreuses anecdotes, les archives inédites et les objets rares exposés sont autant de trésors à découvrir. Les vidéos de concerts offrent un regard profond sur l’histoire et la signification du métal.

 

La scène française à l'honneur : l'exposition "METAL : Diabolus In Musica" accorde aussi, une place de choix à la scène française, souvent sous-estimée, pourtant riche et influente. Parmi les groupes emblématiques, Gojira occupe une place de premier plan. Réputé pour son mélange unique de death metal et de groove, Gojira a su s'imposer sur la scène internationale. Le groupe a récemment marqué les esprits en offrant une prestation époustouflante lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Cette reconnaissance illustre bien le chemin parcouru par le groupe, devenu une référence incontournable dans le paysage du métal mondial.

 

L'exposition met également en lumière d'autres figures marquantes du métal hexagonal, comme Lofofora, connu pour ses textes engagés et ses performances scéniques puissantes. Tout comme Trust, groupe qui a marqué les années 80 avec des titres comme "Antisocial", véritable hymne du rock français. Ou le groupe Benighted qui vient de sortir un nouvel album monumental Ekbom (lien vers notre chronique ici ), avec leur backdrop. Ces groupes, chacun à leur manière, ont contribué à forger une identité propre au métal français, que l'exposition célèbre avec justesse.

 

Un final spectaculaire avec des légendes de la guitare : la conclusion de l'exposition est tout aussi mémorable, avec une vitrine consacrée à cinq grands guitaristes de l'histoire du métal : Eddie Van Halen, Joe Satriani, Steve Vai, Yngwie Malmsteen et John 5. Chacun de ces guitaristes a repoussé les limites de l'instrument, développant des techniques innovantes qui ont influencé des générations de musiciens. La vitrine rassemble des guitares ayant appartenu à ces légendes, chacune étant présentée avec une attention particulière aux détails. Ces instruments, témoins des performances qui ont marqué l'histoire du métal, vous rappellent de nombreux souvenirs de concerts ou d’écoute d’albums, pour les amateurs du genre. La présence de ces guitares conclut l'exposition sur une note d'admiration et d'inspiration, rappelant la virtuosité et l'influence durable de ces artistes sur la musique contemporaine.

Une expérience inoubliable : L’exposition "METAL : Diabolus In Musica" à la Philharmonie de Paris est une véritable réussite. Elle parvient à capturer l'essence du métal à travers une muséographie de qualité, une scénographie immersive et une collection d'objets qui racontent une histoire passionnante. Que vous soyez un fan inconditionnel ou un simple curieux, cette exposition offre une plongée fascinante dans un univers musical riche et complexe. L'expérience est à la fois éducative et sensorielle, qui vous fera repartir enchantés, voire transformés. "METAL : Diabolus In Musica" n’est pas seulement une exposition à voir, elle est à vivre pleinement.

Tiphaine et Xavier