La 52ème édition du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême s'est déroulé du 30 janvier au 2 février 2025.

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Le palmares : https://www.bdangouleme.com/palmares-2025

 

Le Pavillon Jeunesse, un univers enchanté

Le pavillon Jeunesse du Festival de la Bande Dessinée d'Angoulême 2025 s'est révélé enchanteur pour que l'art du récit à destination des plus jeunes soit à la fois ludique, pédagogique et pratique, pour les plus jeunes, mais aussi pour les plus grands.

Yakari : L'aventurier écologiste. Au cœur du pavillon, la pièce dédiée à Yakari offre un plongeon dans l'univers poétique de ce héros sioux. Les panneaux informatifs détaillent comment Yakari, créé par Derib et Job, incarne une vision respectueuse de la nature, à travers des aventures où les animaux parlent et les paysages deviennent des personnages à part entière. Une maquette de tipi et des illustrations géantes plongent les visiteurs dans la Grande Plaine.

 

Une jolie pièce avec une mise en scène très sobre rendait hommage à Bernadette Després, cette grande dame de la bd jeunesse avec Tom Tom et Nana.

 

L'exposition « Contes Éternels » s'est imposée comme l'un des événements phares de cette édition 2025. Installée au cœur du Quartier Jeunesse du 30 janvier au 9 mars, cette exposition immersive a offert aux visiteurs un voyage fascinant à travers les réinterprétations contemporaines des contes classiques par les plus grands noms de la bande dessinée et de l'illustration.

Cinq univers enchanteurs à découvrir

     

L'exposition met en lumière cinq univers distincts où les contes de fées sont revisités sous des formes variées et surprenantes :

« L'Encyclopédie du merveilleux », projet ambitieux dirigé par Benjamin Lacombe aux éditions Albin Michel, explore les créatures mythologiques et le folklore avec une esthétique riche et détaillée. Entre Marco Mazzoni, Etienne Friess, Isabela Mazzanti et Benjamin Lacombe, vous étiez entourés de superbes planches et d'illustrations.
Ces éléments transportent les visiteurs dans des mondes dans lesquels nature et magie s'entremêlent. Ses créatures hybrides et ses décors végétaux, traités avec une précision chirurgicale, évoquent à la fois beauté et étrangeté. Ses carnets de croquis, exposés sur des tables vitrées, révèlent le processus créatif derrière ces univers complexes où chaque détail porte une symbolique profonde.

Les jeux de contraste entre l'ombre et la lumière, créant des scènes où les personnages semblent émerger d'un rêve éveillé. Les illustrations, teintées de mélancolie et de poésie, explorent les frontières entre le réel et l'imaginaire, invitant les visiteurs à se perdre dans des forêts sombres et des châteaux abandonnés où chaque ombre cache un secret.


     

En avant-première, le travail de Benjamin Lacombe sur son adaptation de « La Belle et la Bête » vous faisait rêver une fois encore.

Les illustrations de Benjamin Lacombe, éblouissantes de détails, jouent avec les textures et le clair-obscur. Ses personnages apportent une touche unique à l'œuvre, tandis que ses décors somptueux et ses tissus luxueux confèrent une atmosphère raffinée à l'histoire.


 

« Émile et Margot », signé par Anne Didier, Olivier Muller et Olivier Deloye chez Bayard Jeunesse, propose une approche plus douce et onirique, parfaitement adaptée au jeune public tout en conservant la magie des contes traditionnels. Anne Didier explique que la série s'appuie sur un jeu permanent sur les mots, à travers les noms des monstres, par exemple le Démon-strateur ou le Semeur d'embûches.

« Contes fabuleux de la nuit », publié par Miyako Miiya aux éditions Rue de Sèvres et Le Renard doré, offre une interprétation graphique et poétique des récits nocturnes et fantastiques. Cette mangaka aime raconter des histoires du soir pour les petits et les grands. Des courts récits, magiques, surprenants. Miyako Miiya explique que ces histoires s'adressent à tous, quel que soit son âge ou son sexe, et qu'elles semblent idéales à écouter au moment de se coucher, afin de faire de beaux rêves. Dans ses œuvres, il n'y a pas de méchants, juste des gens qui mènent leur vie, simplement ajoute-t-elle.

     

« Les Sept Ours nains » d'Émile Bravo, paru aux éditions du Seuil Jeunesse, présente une relecture pleine d'humour et de décalage du conte de Blanche-Neige, surprenant et amusant le public. Une œuvre imaginée en 2004 qui transforme les contes pour faire passer des messages très contemporains en abordant le sujet de la misère, du diktat de l'apparence, des fake news ou de la guerre en Ukraine. Emile Bravo précise : « Je ne veux pas trop intellectualiser, il faut avant tout s'amuser ».

   

« La Quête » de Frédéric Maupomé et Wauter Mannaert, éditée par le Lombard, propose une aventure contemporaine s'inspirant des motifs narratifs classiques des quêtes initiatiques présentes dans les contes. Les questions écologiques et sociales, du bien-être animal, de la défense des écosystèmes et de la lutte contre le capitalisme aveugle habitent les auteurs. Ils assurent que « le retour du merveilleux, c'est d'abord une question d'attitude : il faut commencer par faire attention au monde qui nous entoure, prendre le temps de regarder. De nombreux jeunes d'aujourd'hui ont perdu l'espoir dans l'avenir. Dans notre BD, la magie, c'est de l'espoir. »

Un espace de création partagée : Au détour de votre visite, un mur, une table basse invitaient les visiteurs à créer. Les enfants, mais aussi les adultes, se sont pris au jeu, inventant des histoires, travaillant leur style graphique ou leur habilité de coloriste.

Les visiteurs y découvraient comment l'imaginaire jeunesse se réinvente sans cesse, s'appropriant les mythes pour les transmettre à de nouvelles générations.

« Contes Éternels », c'est une célébration du pouvoir intemporel des contes et de leur capacité à se réinventer sans cesse. La diversité des maisons d'édition représentées témoigne d'un intérêt généralisé pour ce type d'adaptation à travers différents segments du marché de la bande dessinée.

En présentant des adaptations tantôt fidèles, tantôt parodiques, éclairantes, poétiques ou irrévérencieuses, l'exposition souligne l'étendue des possibilités créatives offertes par le mariage entre les contes et le neuvième art. Elle démontre avec brio que ces histoires ancestrales, loin d'être figées dans le passé, continuent d'inspirer et d'évoluer à travers le prisme de la bande dessinée contemporaine.

« Contes Éternels » au FIBD 2025 restera dans les mémoires comme un moment privilégié où le passé et le futur se sont rencontrés, et où la magie des contes a pris vie sous nos yeux émerveillés.

 

Le pavillon Jeunesse d'Angoulême 2025 a su allier pédagogie et poésie, innovation et tradition. Ici, la bande dessinée jeunesse n'est pas seulement un divertissement, mais un outil puissant pour éveiller les consciences et les imaginations. Un espace dans lequel l'enfant qui sommeille en chacun de nous peut à nouveau rêver, apprendre et s'émerveiller.

 

Exposition "1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta"

     

notre chronique du tome 1 : lien ici
notre chronique du tome 2 : lien ici

Le Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême 2025 a accueilli une exposition remarquable à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Charente, dédiée au diptyque "1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta". Cette œuvre, fruit de la collaboration entre le scénariste Xavier Dorison et le dessinateur Thimothée Montaigne, publiée par les éditions Glénat, a été mise en valeur à travers une scénographie immersive qui a captivé les visiteurs.

L'exposition s'est distinguée par son approche sensorielle audacieuse. Les murs noirs de la CCI, rehaussés de projections lumineuses évoquant les flots tumultueux de l'océan Indien, créaient une atmosphère oppressante fidèle au récit. Les planches originales exposées en grand format permettaient d'apprécier la finesse du trait de Montaigne, tandis que les croquis préparatoires offraient un aperçu fascinant des coulisses de la création. Au centre de l'espace trônait une maquette fidèle du Jakarta, le navire au cœur de cette histoire inspirée de faits réels.


L'expérience était enrichie par des éléments sonores évoquant les tempêtes ainsi que des interviews des auteurs accessibles via QR codes. Cette dimension multimédia soulignait la collaboration étroite entre le scénariste et le dessinateur dans l'élaboration de cette fresque historique captivante.

Le processus créatif était mis en lumière de façon particulièrement intéressante. Thimothée Montaigne, bien qu'il ne se considère pas comme "un homme de la mer", a partagé l'étendue de ses recherches : consultation d'archives néerlandaises, visite d'une réplique du navire et construction d'une maquette pour mieux saisir les volumes du bateau. Cette minutie se reflète dans les détails architecturaux des planches et dans l'expressivité saisissante des visages, notamment celui du personnage de Jéronimus Cornélius dont la folie grandissante est magistralement captée.

Xavier Dorison, quant à lui, a développé un scénario d'une grande profondeur psychologique, explorant les mécanismes de soumission à l'autorité et de violence collective, s'inspirant des travaux de Stanley Milgram et Bibb Latané. Cette dimension psychologique confère au récit une résonance universelle qui dépasse le simple cadre historique.



Avec plus de 150 000 exemplaires vendus pour les deux tomes, "1629" s'est imposé comme un véritable phénomène éditorial. L'exposition célébrait ce succès en présentant diverses éditions spéciales : couvertures en relief, dorures à l'ancienne et signets intégrés rappelant les éditions Hetzel de Jules Verne qui ont inspiré Montaigne. La gratuité de l'événement a certainement contribué à attirer un large public curieux de découvrir l'un des récits les plus ambitieux de la bande dessinée francophone récente.

En marge de l'exposition, une visite guidée diffusée en direct sur Twitch a permis aux fans d'explorer les coulisses en compagnie des auteurs, mettant en lumière leur complicité artistique. Montaigne a décrit leur collaboration comme une "dictature éclairée" où chaque critique constructive nourrissait leur exigence mutuelle. Cette synergie explique la cohérence narrative et graphique exceptionnelle de l'œuvre, déjà reconnue par le prix BD de l'ACORAM Marine Bravo Zulu 2023.

L'exposition se distinguait par trois aspects majeurs qui en faisaient un événement incontournable. D'abord, une fidélité historique et graphique remarquable, fruit d'un équilibre subtil entre documentation rigoureuse et liberté créative. Ensuite, une immersion totale grâce à une scénographie qui épousait parfaitement le ton du récit, des murs sombres aux éclairages dramatiques. Enfin, un véritable hommage aux artisans de la bande dessinée, révélant à travers croquis, storyboards et anecdotes le travail considérable que représente chaque case.

En définitive, cette exposition à la CCI d'Angoulême n'était pas une simple rétrospective, mais un véritable voyage dans les coulisses d'une œuvre qui redéfinit les standards de la bande dessinée historique. En alliant rigueur académique, audace graphique et profondeur psychologique, Xavier Dorison et Thimothée Montaigne ont créé un récit qui, à l'image de l'exposition elle-même, laisse une empreinte durable dans l'esprit des visiteurs. "1629" transcende ainsi son statut de récit de naufrage pour devenir un miroir saisissant des abîmes de l'humanité, confirmant son statut d'œuvre majeure pour les amateurs de bande dessinée exigeants.

 

Suite du compte rendu : prochainement en ligne