L'autre monde - HRAFNGRIMR - Niflheims Auga (2024)

date de sortie : 13.05.2024

Hrafngrímr, le groupe fondé par Mattjö Haussy, ancien membre de Skáld, nous transporte une fois de plus dans l'univers mystique de la mythologie nordique avec leur album "Niflheims Auga". Cet opus est une exploration intense des thèmes de la sagesse ancienne, des rites sacrés et de la confrontation avec l'inéluctable. Chaque chanson est une invitation à un voyage à travers les légendes et les mystères du monde nordique. Le groupe utilise une riche palette instrumentale qui mêle différentes traditions anciennes venues de 4 coins du monde et des instruments modernes. Pour en savoir plus vous pouvez écouter notre interview de Mattjö enregistrée au Hellfest 2024 : <a href="http://lautremonde.radio.free.fr/index.php?p=7&id=891"target="_blank"class="std">lien ici</a>. Hrafngrímr crée une atmosphère immersive, évoquant une critique de notre monde moderne vu à travers les yeux de la mythologie et des récits épiques des sagas scandinaves.

Le groupe présente le concept développé dans "Niflheims Auga" de la façon suivante :

<i>"En 2024, le paganisme connaît une résurgence à Midgard, un phénomène qui s’étend sur plusieurs décennies. Sous diverses formes distinctes, cette pratique spirituelle puise ses origines dans des traditions ancestrales et universelles. Récemment, les portails et les ponts reliant les neuf mondes se sont rouverts, rétablissant des liens que même les Vikings croyaient perdus. Dans les brumes de Niflheim, des silhouettes ténébreuses ressemblant à des corbeaux ont capté les cris de désespoir et les appels à l’unité venant de Midgard. Poussés par le désir de répondre à cet appel, ils décidèrent de s’aventurer en avant, invoquant la protection d’Odin. Ils sont désormais connus sous le nom de ... Hrafngrímr"</i>

Chaque morceau présente ainsi différents niveaux de lecture et de compréhension :

Níu Bylgjur : les neuf vagues de Niflheim sont appelées à retourner à leur place d'origine. Le chant évoque l'appel aux esprits de revenir à leur monde, sous peine de causer des déséquilibres. Il s'agit d'une prière puissante et incantatoire pour restaurer l'ordre cosmique. Les voix sont bien mises en avant, qui jouent plus plusieurs niveaux, avec un tempo marqué, qui donne un effet qui prend aux tripes d’entrée de jeu.

Niflheims Auga : cette chanson qui donne son titre à l’album, appelle les esprits de Niflheim à redonner vie à l'arbre monde, symbolisant la nécessité de renouveler les liens entre les différentes sphères de l'existence. Le texte exprime une urgence à rétablir l'équilibre et à raviver la lumière dans Midgard, le monde des hommes. Anatoly PAKHALENKO du groupe Nytt Land y est invité. Ce qui enrichit la palette sonore de ce titre, avec un côté lancinant de l’instrument à code, des trompes, avec une rythmique hypnotique. Et de nouveau, un bel effet avec plusieurs niveaux de voix pour donner un rendu sur le chant qui se révèle enchanteur.

Ferðin décrit un périple périlleux à travers Midgard, où les neuf vagues sont traquées pour être ramenées à Niflheim. Les paysages variés et hostiles traversés symbolisent les épreuves et les défis à surmonter pour restaurer l'harmonie. Plus léger et dansant, ce titre est bien entrainant, avec ces violons ou violoncelles et clochettes qui donnent un beau rendu.

Allt til Valhallar Dura : ce morceau évoque les horreurs de la guerre. Les descriptions des massacres et des souffrances rappellent la brutalité des combats et l'importance de la bravoure et de l'honneur. Ce qui permettra à certains d’atteindre les portes du Valhalla. Avec un chant de gorge et un chant clair plus scandé, cette chanson est plus dure. Même le son de la guimbarde, bien métallique, a un côté sec.

Yfir Tárin : une exploration du royaume de Hel, la déesse de la mort et des âmes tourmentées. La chanson est une méditation sur la douleur et la perte, évoquant une marche inexorable vers un destin sombre et inévitable. Une composition très douce avec cette harpe, le son d’un didjeridoo (?) et le chant de Christine accompagné par Mattjö par instant tout en nuance vous font planer.

Brýr : est un intermède avec des vocalises, qui a des sonorités orientales. Ce qui donne un côté universel a la musique de Hrafngrímr et confirme les propos de Mattjö recueillis lors du Hellfest 2024 (interview/hrafngrimr)

Draugr : ce titre accuse et condamne un esprit revenant, symbolisant la culpabilité et la tromperie. Il est un appel à se réveiller face à l'illusion et à la fausseté de la vie et de la mort. Le texte est empreint d'une atmosphère sombre et oppressante. Il y a un côté litanie dans le chant avec des backings vocals qui sont un joli complément sonore, avec une ambiance qui emmène presque sur des sons électroniques. Là encore, nous sommes à la croisée des mondes en termes d’ambiance. C’est la rythmique avec cette petite guimbarde qui donne une teinte à la limite entre l’Europe, l’Asie et l’Orient.

Hleypimaðr traite de l'errance et du vagabondage, questionnant le sens de la quête et la perte de temps. Le morceau exprime la mélancolie et le regret des opportunités manquées, tout en cherchant un but et une fin à cette errance. Je trouve qu’il y a un petit quelque chose de médiévalisant/ renaissance dans ce titre qui me fait penser à certaines compositions de groupes celtisants sur plusieurs passages. Preuve de l’universalité de la musique. Très dansant avec un travail remarquable sur les sonorités des différents chants, Hleypimaðr est un titre à la fois triste et entrainant.

La chanson finale Skuggar évoque les ombres du passé qui accompagnent les vivants. Elle rappelle que les gloires et les peurs des âges passés persistent à travers le temps, et que les voix des ancêtres résonnent encore dans le présent. Les bruits comme des ossements qui s’entrechoquent, la voix délicate de Christine vous emmène avec ce titre sur des sentiers sombres, mais où vous êtes bien guidés, sécurisés.

Hrafngrímr se distingue par une grande diversité d’instruments, mêlant des sonorités traditionnelles nordiques avec des influences modernes, et utilisant des techniques vocales variées, y compris le chant de gorge de Mattjö Haussy. Christine Roche apporte également une profondeur et une richesse vocale avec ses performances.

Hrafngrímr réussit à fusionner poésie, théâtre et musique en une expérience musicale qui invite à la réflexion et à l'éveil. Cet album est un hommage vibrant à la culture nordique et une célébration des histoires et des valeurs qui ont traversé les âges. Réfléchir sur le présent, avec l’éclairage des traditions, des expériences passées, sans nostalgie, mais pour s’améliorer.

Xavier