Date de sortie : 31.10.2025
Label : Spinefarm Records

A Shadow Stirs
Mistress Of Death
Blood Magick (It’s A Ritual)
Headstones
Prey For The Night
Daydreaming In The Dark
Parasite
Razor Wire
From The Depths Below
The Black House
The Crimson Bride
Pavor Nocturnu

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Les vampires de Southampton viennent de signer un sublime opéra rock gothique.

CREEPER fait exploser les codes du heavy rock gothique. Sanguivore II: Mistress of Death, c'est la démesure baroque d'un film de série B tourné avec un budget hollywoodien. Les riffs puissants dialoguent avec l'Orchestre philharmonique de Prague, un saxophone se glisse sur le titre Razor Wire, et chaque morceau transpire cette sueur froide du glam des 80's.

L'album alterne montées d'adrénaline et passages plus mélodiques.

CREEPER avait pour habitude de clore ses histoires à chaque album. Ce quatrième disque prolonge l'univers vampirique. Le concept plonge dans l'Amérique reaganienne de la panique satanique, cette époque paranoïaque où le metal était accusé de tous les maux, du suicide adolescent aux meurtres rituels. Imaginez une horde de vampires rockeurs semant le chaos sur la route 66, traqués par une chasseuse implacable incarnée par la Mistress of Death elle-même. William Von Ghould a voulu rendre cet opus "plus sleaze, plus sexy" que son prédécesseur, et c'est réussi. 

Voici comment William Von Ghould présente l'histoire : « Sous les néons clignotants d'un rêve lointain, un cauchemar rock'n'roll devient réalité. Un groupe de vampires sème la terreur dans l'Amérique des années 80, ne laissant derrière lui que des cadavres. Mais à l'horizon, une ombre s'agite. À mi-chemin entre le film d'épouvante et le cauchemar satanique, une nouvelle force émerge de la brume, prête à traquer ce gang. Mistress of Death est une chasseuse de vampires déterminée à mettre fin à cette lignée de buveurs de sang une bonne fois pour toutes. Mais parviendra-t-elle à leur transpercer le cœur avant que le rideau ne tombe ? »

Le line-up actuel réunit Jake Fogarty à la batterie, Hannah Greenwood aux claviers et voix, Ian Miles et Lawrie Pattison aux guitares, Sean Scott à la basse, avec les contributions vocales de Chantal Lewis-Brown et la direction orchestrale d'Adam Klemens.

 

Crédit: Harry Steel

 

A Shadow Stirs ouvre le cercueil avec la voix spectrale de Patricia Morrison, icône des Sisters of Mercy, qui pose l'avertissement dans un monologue digne d'une cassette VHS maudite. L'intro dure à peine plus d'une minute mais installe déjà l'atmosphère d'un film d'horreur dont vous ne contrôlez plus la télécommande. La chasseuse arrive, et la guerre va commencer.

Mistress of Death explose ensuite avec des gros riffs et des harmonies de guitares parfaites. Le morceau galope avec une ambiance gothique. Le personnage de Mistress of Death est une princesse de la douleur et du châtiment, une entité qui domine la nuit et exige le sacrifice.

Blood Magick (It's a Ritual) balance un riff qui rappelle les 80s, mais avec une touche moderne qui le rend intemporel. Les synthés darkwave enrobent le tout grâce à une production soignée. Les voix de William et Hannah créent une alchimie envoûtante, alternant puissance et séduction mortelle. Le morceau invoque la magie du sang à travers des figures féminines assoiffées de violence et d'immortalité : Megan qui cherche son créateur, Violet désirant un amour blasphématoire, toutes appelant Baphomet dans des rituels sacrificiels dans une Californie infernale.

 

Headstones est une bombe punk-metal de trois minutes. Le solo de guitare reprend la mélodie du chant dans un dialogue instrumental déchirant, puis un break a cappella suspend le temps avant qu'un silence surprenant ne précède l'explosion finale. Les guitares d'Ian Miles et Lawrie Pattison se répondent comme dans un duel à mort, soutenues par des chœurs. Le texte maudit l'amour en enfer, bannit du paradis et embrasse la luxure mortelle : laissez les os se transformer en poussière dans le feu et le soufre, offrez votre chair à l'infestation démoniaque.

Prey for the Night fusionne gothique et hard rock avec des cuivres qui planent en arrière-plan, créant une ambiance à la fois sombre et grandiose. Les synthés évoquent la new wave des 80's. Le narrateur est obsédé par une femme fantomatique à la peau pâle et froide, qui domine et exige un sacrifice humain. Il rêve chaque nuit de la toucher et accepte d'être consumé ou abusé à son autel. Sous une lune de sang, un mal surnaturel chasse sa proie dans un monde où la nuit avale le jour.

Daydreaming in the Dark plonge dans les abysses de la new wave. Le refrain porté par Hannah Greenwood éclate comme une lumière néon dans la nuit, porté par des "woah-oh-oh-oh-oh" addictifs. L'orgue et les nappes synthétiques créent une atmosphère de cathédrale profanée, enregistrée avec une réverbération majestueuse. Le morceau explore la corruption du cœur à travers des visions phantasmagoriques, une romance entre deux mondes, celui des vivants et celui des damnés.

Parasite accroche immédiatement avec son riff d'une redoutable efficacité. Le duo de voix masculine-féminine atteint ici son apogée : Hannah supplie "Be my parasite" tandis que William scande "Suck Suck Suck" dans une incantation aussi sexuelle que vampirique. Le solo de guitare à la talk box, finement dosé, ajoute une touche de raffinement technique à ce qui pourrait être le moment le plus jouissif de l'album. Nous sommes sur une symbiose fatale, l'infestation de l'âme par un amour parasitaire dont vous ne pouvez vous échapper.

Razor Wire surprend. Hannah Greenwood prend les commandes, incarnant la Mistress of Death dans un numéro de jazz suave qui rappelle "Black Velvet" d'Alannah Myles mâtiné de l'élégance d'une bande-son de James Bond. Le piano est superbe, les doigts claquent, et le solo de saxophone glisse comme un serpent. L'ambiance est burlesque, séductrice, teintée de blues féminin du début du XXᵉ siècle. Le texte tend des pièges mortels avec du fil barbelé, transformant la décapitation en un style de vie, dans une séduction aussi dangereuse qu'irrésistible.

From the Depths Below n'est qu'un interlude de trente secondes d'orgue et de synthés qui ouvre les portes de l'abîme. The Black House marie métal gothique et pulsations hypnotiques new wave. The Black House évoque immédiatement un manoir maudit droit sorti d'un E. A. Poe réécrit par les Sisters of Mercy. Une atmosphère poisseuse.

The Crimson Bride est un feu d'artifice avec ses chœurs façon gospel bien sombres, les cuivres tonitruants, et le métal qui explose de toutes parts. C'est l'apogée de la cérémonie avant le final. Le morceau célèbre des noces sanglantes dans une union maudite, portée par une énergie qui pousse l'album vers son climax apocalyptique.

Pavor Nocturnus (terreurs nocturnes en latin) clôt les hostilités en six minutes et demie. L'intro acoustique minimaliste oppose les voix entrelacées de William et Hannah dans un ballet vocal déchirant. Puis l'orchestration monte progressivement : cordes de l'Orchestre philharmonique de Prague, piano mélancolique, guitares qui grimpent en intensité, cuivres qui explosent. Le solo final bien appuyé laisse son empreinte, comme les dernières images d'un film dont vous ne pouvez détacher le regard. Patricia Morrison revient pour une malédiction d'adieu, refermant le cercueil sur cette saga vampirique. Les paroles évoquent l'amour de la mort elle-même, un crescendo émotionnel où tous les invités du disque reviennent pour un final hanté.

Sanguivore II: Mistress of Death ose avec succès plusieurs expérimentations : talk box, saxophone, orchestrations symphoniques… CREEPER réinvente les codes du métal gothique théâtral, créant une superbe chimère gothique. L'album fonctionne comme une bande-son de film fantastique, un road-movie horrifique où la violence rencontre l'excès sous les néons d'une Amérique paranoïaque. Sur la scène métal gothique actuelle, CREEPER n'a pas fini de repousser les limites du genre.

 

Xavier