Date de parution : 27/08/2025
Editeur : Delcourt
https://www.editions-delcourt.fr/le-lapin-des-baskerville
Scénariste : Pierre Mortel
Illustratrice : Anaïs Dumas
Coloriste : Anaïs Dumas
EAN : 9782413087168
Dimensions 16.5 x 23 x 1.2 cm
Nombre de pages 120
Quand on parle d’ovnis créatifs, la collection Pataques des éditions Delcourt est toujours là pour vous surprendre. L’objectif est important : bousculer nos repères et réinventer les codes établis. Le Lapin des Baskerville de Pierre Mortel au scénario et Anaïs Dumas au dessin et à la colorisation, est-ce que nous pouvons appeler une création singulière.
Cet album opère une métamorphose audacieuse du célèbre récit de Sir Arthur Conan Doyle, transportant l'atmosphère gothique des landes anglaises dans un univers animalier où règne un délire quotidien. Là où le chien légendaire semait autrefois la terreur, un lapin blanc très mignon, autoproclamé maître de l'effroi. Un comble ! Il tente vainement d'imposer sa tentative infructueuse de tyrannie sur une communauté forestière aussi dysfonctionnelle qu'attachante.
L'écosystème créé par Pierre Mortel et Anaïs Dumas révèle une richesse foisonnante. Chaque animal incarne une facette de nos travers contemporains très humains avec une précision frappante. Le lapin, personnage central de cette comédie, cristallise nos velléités de pouvoir dérisoires. Son échec perpétuel à incarner la menace qu'il prétend être, transforme chaque tentative d'intimidation en moment burlesque. Autour de lui gravitent des animaux tout aussi mémorables : un poussin aux proportions démesurées qui questionne nos rapports à la différence physique, des gastéropodes adeptes des champignons psychotropes qui philosophent entre deux extases mycologiques. Sans oublier cette famille de Beloups convaincue de sa suprématie prédatrice malgré son incompétence manifeste et tant d’autres.
Cette galerie de personnages fonctionne comme un miroir déformant de nos relations sociales. Chaque interaction révèle les mécanismes subtils qui régissent nos groupes d'appartenance, nos quêtes d'acceptation et nos stratégies de survie en communauté (entre amis, au travail, etc.). Le Lapin des Baskerville interroge avec finesse les notions d'identité construite, d’identité héritée, explore ces questions existentielles à travers le prisme d'un humour parfois grinçant, mais jamais méchant.
Visuellement, Anaïs Dumas déploie son trait qui conjugue expressivité et lisibilité. L’équilibre entre l’humour des textes et le comique des dessins sert admirablement les ambiances qui naviguent entre moments contemplatifs et explosions drôles.
Vous vous retrouvez l’air de rien, avec beaucoup d’humour et en même temps avec une réflexion sur les mécanismes du pouvoir, de la peur et de l'appartenance sociale. Sous ses dehors de fable animalière déjantée, l'album développe une critique fine et bienveillante de nos sociétés contemporaines, pointant nos absurdités collectives sans jamais sombrer dans le cynisme.
La construction narrative alterne entre pages autonomes et le développement d'une intrigue qui se déroule sur l’ensemble de la bande dessinée. Pierre Mortel orchestre ce chaos apparent avec une précision d'horloger, chaque gag alimentant la progression humoristique générale.
Le Lapin des Baskerville s'adresse aux amateurs d'humour, à ceux qui apprécient les œuvres avec plusieurs niveaux de lecture, capables de divertir en surface tout en questionnant en profondeur. Une bande dessinée qui conjugue plaisir de lecture et stimulation intellectuelle.
Xavier